Ciel brun

Là où l’Homme n’est jamais allé

Marie-Ange Balli

Bienvenue à Strasbourg ! La ville offre de nombreux espaces verts. Profitez des beaux jours pour flâner le long des quais et découvrez l’histoire du parc du Heyritz.

Il y fait bon y être, que l’on soit un pic vert, un canard colvert, un sportif du dimanche, une famille de sortie ou un couple d’amoureux cherchant un peu d’intimité, chacun y a sa place. Nous avons en effet à cœur d’aménager la ville en accord avec ces espaces naturels. Le parc est accessible aux voitures, aux deux roues et aux piétons au cœur d’un quartier moderne et plein de vie, sans cesse en mutation. Mais attention, ces petits coins de paradis aménagés ont également une face cachée. Observez bien le sol et le ciel, la flore, la faune. Des nuages étranges planent sur Strasbourg… Trois séries d’images en suspension invitent les passants à prendre conscience de l’histoire et des limites d’un tel projet de prairie urbaine.


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Les espaces verts urbains tiennent un rôle essentiel en faveur de la préservation d’espèces animales et végétales. Mais ce rôle reste limité. Dans un contexte de pollution de l’air, des eaux, des terres, de la pollution lumineuse et du réchauffement climatique qui n’épargnent aucune région du monde, on est en droit d’interroger la logique qui prévaut autant que l’impact réel de l’aménagement de tels espaces naturels.

Il est primordial de rappeler que Strasbourg est à l’initiative de nombreux projets écologiques. La Ville et l’Eurométropole fait figure de modèle en termes de biodiversité et s’impose comme « la ville la plus écolo de France par sa qualité de l’air et ses modes de transport » d’après le magazine l’Express.

Les premières mesures remontent aux années 1990 où commence une compagne de gestion différenciée des espaces verts. En 2008, la ville renonce progressivement à l’usage des pesticides et en 2015, elle entame un plan de réduction de ses gaz à effet de serre et de sa consommation énergétique à hauteur de 30 %. En 2022, son projet Strasbourg Grandeur Nature prévoit d’enrichir encore ses espaces verts en s’appuyant sur une gestion plus naturelle et écologique et un meilleur recyclage des déchets.

Toutefois, la pollution semble peser plus lourd dans la balance. L’activité humaine laisse encore des traces néfastes pour la faune et la flore de la région. La mise en service du Contournement Ouest de Strasbourg a fait grimper les taux de dioxyde d’azote dans quatre des communes voisines. À Strasbourg, l’été et le réchauffement climatique contribuent à augmenter le taux d’ozone dans l’air, un polluant néfaste pour nos voies respiratoires. En outre, les substances per- et polyfluoroalkylées, surnommées « polluants éternels » ou PFAS, ont contaminé près de 200 sites en Alsace. Depuis les années 1950, elles s’accumulent dans nos organismes et survivent aussi bien dans les espaces intérieurs que dans la nature, mais également sur nos vêtements et objets du quotidien. Ces dernières pourraient subsister des milliers d’années dans l’environnement.

Ces menaces invisibles à l’œil nu sont le cœur du projet « Ciel brun ». La ville de Strasbourg et la région d’Alsace sont riches d’histoire et de lieux charmants. Seulement, un bon nombre de ses mesures écologiques considèrent principalement les besoins de l’Homme avant ceux de la nature. La chose sauvage du latin « silva » renvoie étymologiquement à la forêt. Or, que reste-t-il de réellement sauvage en Alsace ? Où l’Homme n’est-il jamais allé ? L’espace naturel est délimité et réglementé. En ce sens, que lui reste-t-il de naturel ?

La situation environnementale actuelle est donc très nuancée. À nouveau, toute initiative citoyenne de la part des collectivités est à saluer et à encourager. Notons par exemple qu’en 2022, le Conservatoire d’Espace Naturel d’Alsace (CEN) entreprend de racheter 30 hectares de la forêt du Baerenloch, épargnés de toute forme d’exploitation depuis plusieurs décennies. Seulement, cette forêt demeure ouverte au public et est donc vulnérable aux déchets abandonnés par l’Homme ainsi qu’aux gaz à effet de serre. Il est donc indispensable de replacer les actions en faveur de l’environnement dans un contexte et des perspectives plus larges.

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